La vie et l’œuvre de Montaigne sont
inextricablement liées, puisque de l’une la pensée a su se libérer des a priori
philosophiques — un stoïcisme d’abord trop mal dégrossi — de jeunesse, en se
fondant un peu plus sur l’expérience personnelle des choses et en particulier
la mort de son ami Etienne de la Boétie, et de l’autre la vie a pu se maintenir
à l’état d’élévation grâce à l’œuvre qui l’a peu à peu définie.
Mais en un mot, on peut dire de cette œuvre immense
qu’elle ne poursuit, au-delà du rigoureux stoïcisme de la première édition,
avec l’image d’un homme fort contre le flot de la circonstance, au-delà d’un
épicurisme plus matérialiste s’étant manifesté à la seconde édition, au-delà
même de la lecture de Platon et en général des anciens, cette œuvre ne poursuit,
au point du jour de la modernité, que l’image complète de l’homme.